Définir les tiers-lieux : un casse tête !

En Roues Libres, le road trip
5 min readJun 25, 2021

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Nous sommes deux amies, Manon et Noémie, rencontrées dans une association de sensibilisation à la transition écologique (WARN!) en Ile de France. Après plusieurs mois et projets ensemble en 2020, l’envie de monter notre tiers-lieu est née. Ce fût l’aboutissement en mars 2021 avec la décision de partir sillonner 6 régions de France à la découverte des tiers-lieux à bord de notre van aménagé. Après 3 mois sur les routes et une quarantaine de lieux rencontrés, c’est à notre tour de vous raconter leur histoire. Mais tout d’abord, revenons-en aux sources.

Qu’est-ce que vous entendez par “tiers-lieu” ? C’est LA question qu’on nous a posé le plus souvent quand on parle de notre projet de road trip à nos familles, amis, connaissances… Ce qui témoigne bien du flou réel autour de ce nouveau terme, inconnu au bataillon encore aujourd’hui pour beaucoup.

Comment l’expliquer ? C’est tout d’abord un terme assez récent, qui a émergé au début des années 90 sous la plume du sociologue américain Ray Oldenburg. “The third place” est né : c’est un lieu de sociabilité, ouvert à tous-tes, où l’on partage des moments informels mais aussi des ressources, des compétences en dehors de la maison et du lieu de travail.

Le tiers-lieu n’a pas de modèle type

On nous répond alors souvent “En fait un café c’est un tiers-lieu quoi”. Certes, il est très fréquent de retrouver des cafés dans les tiers-lieux. Ce n’est pas non plus anodin que la grande firme Starbucks se soit inspirée de la thèse du third place dans sa stratégie marketing en y implantant le wifi dans ses cafés. Par ailleurs, c’est aussi pour cela que durant notre voyage, nous tenions à rencontrer des cafés ou bars associatifs. Sous l’étiquette associative, ils sont des lieux de collaboration et d’échange : les bénévoles organisent des rencontres, des conférences engagées, des ateliers pour créer du dialogue, du débat, de l’échange de savoir-faire entre les habitant.e.s d’un quartier ou d’un village.

Ainsi, le tiers-lieu n’a pas de modèle type. Longtemps associé aux espaces de travail partagé “coworking”, le concept de tiers-lieu se retrouve aujourd’hui sous plusieurs formats : les jardins partagés, les ateliers de fabrication “fablabs” ou de réparation (repair café, atelier vélo, garage associatif), les camions itinérants, les ressourceries type Emmaüs, les supermarchés collaboratifs (La Louve, Food Coop), les salles de concerts, les théâtres… On retrouve même parfois toutes ses activités sous le même toit !

Pourquoi tant de diversité ?

Parce que le tiers-lieu n’a pas de définition unique. Lors de notre rencontre avec James, co-fondateur des Abeilles 44, à Saint-Nazaire, celui-ci nous rappelle les paroles du sociologue Ray Oldenburg :

“Un Tiers Lieu ne se définit pas par ce que l’on en dit mais ce que l’on en fait !”.

Cette citation cristallise l’essence même des tiers-lieux : le faire, et particulièrement le “faire avec”. Sorte de boîte à outil, le tiers-lieu est un support pour une communauté qui s’y rassemble, un lieu qui catalyse les énergies collectives citoyennes et les transforment en projets divers et variés, à l’image de ses résidents.tes. En bref : un lieu où tout est possible.

Chaque communauté y dépose alors sa touche particulière et ses valeurs. On peut ainsi retrouver des projets plutôt culturels (le Fort de Tourneville au Havre, la Friche de la Belle de Mai à Marseille), d’autres plutôt sociaux, solidaires (comme les Grands Voisins à Paris ou Coco Velten à Marseille) mais aussi très spécifiques comme l’agriculture (la Manufacture des Capucins à Vernon, L’Arbre à Commes), le gaspillage alimentaire, le réemploi (Coop 5 pour 100 à Caen), le bricolage et même la science (La Myne à Lyon, Lica Europe à Marseille), etc.

Des lieux aux multi-activités

Une des caractéristiques propres à ces lieux est la notion de multi-activités. Le tiers-lieu est souvent construit sur un modèle de “petit village” qui tend vers une micro-économie et une autonomie. Par son système d’échanges et d’économie circulaire, on retrouve des tiers-lieux qui répondent aux besoins “essentiels” : on peut y manger, boire, même dormir parfois. On y retrouve ensuite des savoir-faire de la résilience : bricoler, jardiner, réparer et enfin des espaces mutualisés : un réseau pour travailler en tant qu’indépendant, former, transmettre en dehors des schémas des entreprises classiques.

Ce sont de véritables lieux ressources ancrés au niveau local, au service de ses habitant.e.s qui par sa diversité d’activités et son ouverture vont attirer des publics variés, mixtes et intergénérationnels. Néanmoins, le pari de mixer les publics n’est pas toujours réussi, car il demande de la médiation et des services particuliers, mais il est attendu.

Des lieux…parfois incontrôlables

Enfin, après 3 mois de voyage à leur découverte, il y a aussi quelque chose d’incontrôlable dans les tiers-lieux : ces lieux, souvent rénovés et chargés d’histoire, peuvent dépasser les propres porteurs.euses du projet et devenir quelque chose d’inattendu par leur patrimoine, l’énergie et les personnes qui les traversent jour après jour ! Plusieurs témoignages nous le rappellent souvent : la première idée de l’axe du lieu n’est pas toujours la même par la suite. Ce qui nous a amené à comprendre le rôle capital et parfois un peu mystique du lieu qui est LE socle premier du projet.

En effet, ce ne sont pas que les porteurs.euses, les bénévoles, les résidents.tes, les personnes de passage qui font le projet mais c’est aussi les murs et le lieu qui influencent son avenir.

Après cette introduction aux termes et au monde des tiers-lieux, nous continuerons à creuser et analyser ces dynamiques à travers plusieurs articles aux formats différents, basés sur des exemples concrets rencontrés durant notre voyage. Vous pourrez ainsi retrouver ces thématiques ci-dessous :

  • Réflexion : comment ancrer son projet de tiers-lieu sur un territoire ?
  • Définitions : les différents types de modèles économiques et juridiques existants dans les tiers-lieux
  • Des guides pratiques : des pistes pour trouver son lieu d’implantation et démarrer son projet ; des étapes clés pour monter et fédérer son collectif
  • Des focus : les approches des tiers lieux en ville vs en zone rurale ; la démonétisation dans les projets de tiers-lieux

Ces articles seront publiés tout au long de l’été et destinés aux porteurs.ses de projets de tiers-lieux, aux réseaux de tiers-lieux et aux tiers-lieux eux-mêmes. Toute personne curieuse du sujet pourra également s’y retrouver : nous les avons écrit au regard de notre expérience de voyage en totale découverte du milieu ;)

Le but de ces articles est de contribuer aux ressources communes déjà existantes et riches : c’est pour cela que nous les publions en Creative Commons pour qu’elles puissent servir aux communs, valeur chère aux tiers-lieux !

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Ressources

Le site collaboratif de Movilab, dédié aux tiers-lieux : https://movilab.org/
OLDENBURG Ray, The Great Good Place, 1989
L’histoire de Starbucks : https://www.starbucks.fr/apropos

Liens utiles

En Roues Libres sur Facebook : https://www.facebook.com/enroueslibresroadtrip

En Roues Libres sur Instagram : https://www.instagram.com/enroueslibresroadtrip/

En Roues Libres sur le web : http://enroueslibres-leroadtrip.fr/

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Nous sommes 2 amies, Manon et Noémie, qui sommes parties sillonner 6 régions de France à la découverte des Tiers-lieux durant 3 mois. Voici leur histoire !

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